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Historique des orchestres de jazz de la période Swing


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L' après Ragtime

Au début des années 20 la "Harlem Renaissance", explosion artistique de la plus importante communauté noire des Etats-Unis dans le quartier de Harlem rattaché à New York city, fut à l'origine d'une nouvelle musique de jazz différente des musiques syncopées (Cakewalk, Ragtime) de la Nouvelle-Orléans.

FatsWaller-Poster

Les pianistes New-Yorkais reprirent les acquis du Rag pour faire évoluer le style vers une forme plus swing : le Stride (marche à grandes enjambées). Parmi les fameux pianistes Stride, citons trois célébrités ; Willie "The Lion" Smith, James P. Johnson et le truculent Thomas Fats Waller dont certaines de ses compositions sont devenues des standards (Black and Blue, Ain't misbehavin' en 1929 real_logo , Honeysuckle rose real_logo, Squeeze me real_logo). Le stride atteint un niveau de virtuosité insurpassable avec Art Tatum qui enregistre en 1933 à New York quatre solos dont le mémorable Tiger Rag real_logo. La caractéristique du jazz Nouvelle-Orléans, né de la rencontre entre le blues le ragtime et les marches, est l'improvisation collective. Dès 1925 à Chicago, Louis Armstrong avec son groupe le Hot Five, puis le Hot Seven rompt avec ce style en donnant la prépondérance aux solistes. Muskrat Ramble 1926 real_logo, St James Infirmary 1928 real_logo.

JellyRollMorton-Poster

Jelly Roll Morton, musicien prodige originaire de Louisiane, excellent pianiste de blues, virtuose du ragtime, écrit en 1905 ses premières compositions dont King Porter Stomp enregistré bien plus tard en 1924 avec King Oliver real_logo. Revendiquant être le seul créateur du jazz, sur sa carte de visite on peut lire : "Originator of jazz, stomp and swing". En 1926, à Chicago, il grave ses plus grands chefs-d'oeuvre au sein des Red Hot Peppers. Morton fait une éblouissante synthèse des musiques qui ont cours à la Nouvelle-Orléans. En avance sur son temps, avec un style résolument polyphonique, il ouvre la voie aux grands orchestres de swing de la décennie suivante.Georgia Swing 1928 real_logo . En laissant une oeuvre imposante, il apparaît comme le premier arrangeur et compositeur de l'histoire du jazz.

Le style pianistique boogie-woogie, venu du Sud des États-Unis dans les bastringues du Texas en particulier où on l'appelait "fast western", se popularise à Chicago dans les années 20, comme une manière d'interpréter le blues avec un rythme doublé (huit notes par mesure sur un rythme à quatre temps). Le fameux Pinetop's Boogie Woogie de Clarence Smith est gravé en 1929 real_logo et est repris en 1941 par Louis Jordan et son Tympani 5 real_logo Le stride et le boogie-woogie ont en commun le privilège attribué à la main gauche, qui fournit le tempo aux danseurs les plus déchaînés, la main droite étant ainsi libérée de toute fonction rythmique. Le boogie exercera une grande influence sur les orchestres de danse des années 30-40, puis sur les créateurs du rhythm'n'blues et du rock'n'roll.


Les premiers orchestres de New York

Fletcher-Henderson-Poster

Fletcher Henderson débute à New York en 1920 en accompagnant au piano la première authentique chanteuse de jazz Ethel Waters, puis monte une petite formation pour en faire un véritable orchestre en recrutant de jeunes talents : en 1922 Coleman Hawkins la référence en saxo-ténor (après des débuts à Kansas City et Chicago) et Don Redman saxophoniste, en 1924 le jeune prodige du cornet puis de la trompette Louis Armstrong (devenu célèbre après son passage en 1922 dans le Creole Jazz Band, le mythique orchestre de King Oliver jouant à Chicago). Louis Armstrong ne reste que treize mois dans l'orchestre de F. Henderson mais son passage a permis au big band d'acquérir ses lettres de noblesse. Coleman Hawkins s'impose jusqu'à son départ en 1934 comme le principal soliste : voici quelques enregistrements avec lui :Sugar Foot Stomp en 1925 (avec également Louis Armstrong), Hot And Anxious en 1931, Nagasaki en 1933, Queer Notions en 1933, King Porter Stomp en 1933, Hocus Pocus en 1934 real_logo . L'orchestre de Fletcher Henderson, dont le répertoire bénéficie aussi de l'arrangement de Don Redman (musicien surdoué jouant de tous les instruments à vent), est alors considéré comme le meilleur.

Duke-Ellington-Poster

En 1922, Edward Kennedy Ellington se rend à New York où il joue dans des orchestres de théâtre ou de jazz, puis en 1924 il devient chef d'un groupe de six musiciens sous l'appelation d' Elmer Snowden Band. En 1927 l'orchestre plus étoffé d'Ellington est engagé au Cotton Club de Harlem. Duke Ellington impose au Cotton Club son style "Jungle" avec des sonorités "growl" (grognements des trompettes et des trombones). Son style s'épanouit sur des thèmes comme Creole Love Call (1927) real_logo et Black Beauty (1928) real_logo, The Mooche (1928) real_logo avec le saxophoniste alto Jonny Hodges, Mood Indigo (1931) real_logo, Echoes of The Jungle en 1931 real_logo avec le trompettiste Cootie Williams, le plus "expressionniste" des musiciens de jazz. Duke Ellington intègre d'autres grands solistes : Barney Bigard (cl), Harry Carney (bs), Lawrence Brown (tb), Rex Stewart (c) et de belles voix : Adelaide Hall, Ivie Anderson. Avec Ellington, l'orchestre de jazz devient un ensemble cohérent avec toute sa palette sonore.
Duke Ellington compose pour valoriser ses musiciens. Il écrit en 1936 Trumpet in Spades pour le cornettiste Rex Stewart real_logo, et Echoes of Harlem pour le trompettiste Cootie Williams real_logo .

BennieCarterApollo

Benny Carter qui arrive chez F. Henderson en 1929 écrit pour lui des arrangements jusqu'en 1932. Ce maître incontesté du saxophone alto, joue successivement dans les orchestres de Duke Ellington, Earl Hines, Horace Henderson, chez les Mc Kinney Cotton Pickers , chez Chick Webb. Ce brillant musicien, et aussi compositeur, constitue en 1932 son grand orchestre et obtient un immense succès. Voici quelques bonnes musiques : Six Or Seven Times 1929, Blue Lou 1933 real_logo, Krazy Kapers 1933, Love, You're Not The One For Me 1933, Six Bells Stampede 1933, Swing It 1933, Black Bottom 1937 real_logo , I'm In The Mood For Swing 1937, My Buddy 1937 real_logo, New Street Swing 1937 real_logo, Rambler's Rhythm 1937 real_logo, Plymouth Rock 1939 real_logo. L'apport de Benny Carter à la Swing Era va être déterminante.


Le Swing et la joie de vivre des années 30

Charles Lindbergh

En 1927, les New-yorkais célèbrent la traversée de l'Atlantique sans escale par Charles Lindbergh, donnant parades et repas de gala en son honneur. Mais les années folles prennent fin le 24 novembre 1929 avec le krach boursier de Wall Street qui entraîne l'effondrement de l'économie américaine.
lindy_hops En raison de la prohibition (interdiction de fabrication et vente de boissons alcoolisées), on danse dans la clandestinité dans les clubs le Swing et notamment le Lindy Hop (nom donné par George Snowden à cette danse acrobatique après le fameux " 'hop' over the Atlantic " de Charles Lindberg).

ClubRenoKansasCity

A Kansas City, le plus beau cabaret de la ville est le Reno Club. Prostitution, drogue, alcool et musique est le cocktail favori de la clientèle et la ségrégation étant de rigueur une cloison sépare clients noirs et blancs. Chaque soir, après la revue noire l'orchestre maison fait danser le public. Mais le "spook breakfast", un boeuf organisé le dimanche matin, attire la crème des jazzmen. C'est ainsi que Kansas City est un paradis du swing malgré la crise.

En décembre 1933, le 21ème amendement à la Constitution met fin à la prohibition et libère le pays. Les orchestrations Swing des grandes formations comme celles de Duke Ellington, de Chick Webb et de Jimmie Lunceford s'adressent désormais à tous et non plus uniquement aux habitués des bars et clubs auparavant clandestins.

cotton-club

Le Cotton Club : un club mythique
Situé en plein coeur de Harlem, à New York, le Cotton Club ouvre en 1923 à l'initiative du bootlegger Owney Madden qui a besoin d'un endroit central pour distribuer son alcool de contrebande. Ce nightclub le plus prestigieux de New York, propose à un public huppé exclusivement blanc des spectacles de danse et de musique conçus par des afro-américains, tous les artistes devant être noirs. De Cab Calloway à Duke Ellington en passant par Ethel Waters et Lena Horne, la fine fleur du jazz est à l'affiche. Des personnalités ont leurs tables réservées : le réalisateur-acteur Charlie Chaplin, le maire de New York Jimmy Walker mais aussi le gangster Lucky Luciano !

Le Savoy Ballroom "la maison des pieds joyeux"
Savoy Ballroom Ouvert en 1926, ce lieu consacré à la danse, dans le quartier d'Harlem, peut accueillir 2 orchestres Big Band (un à chaque bout de la salle) et jusqu'à 4000 danseurs ! Les meilleurs danseurs, blancs et noirs, se rassemblent dans le "Cat's Corner" pour se mesurer dans de grandes compétitions. Les premiers grands Lindy Hopers sont George "Shorty" Snowden et Leroy "Strech" Jones, puis Frankie Manning autre star des "jams" improvisés. En 1935, lors d'une compétition, Frankie Manning et sa partenaire Freda Washington éliminent Shorty et sa partenaire Big Bea avec une figure acrobatique de Lindy jamais réalisée.
L'un des orchestres favoris des habitués du Savoy est celui de Erskine Hawkins. Tuxedo Junction real_logo (1939) est un exemple parfait du style de ce champion du swing.

Après le Savoy Ballroom, le Lindy-Hop conquiert d'autres fameux clubs de danse tels le Roseland, le Cotton Club, l'Apollo Theater à New York ou le Grand Terrace Café de Chicago. Dans ces dancings les couples de noirs s'adonnent avec passion à la fièvre du Swing en faisant des exhibitions à caractère sportif.

Earl-Hines-Poster

Le grand orchestre d'Earl Hines se produit, de 1929 à 1948, au Grand Terrace Ballroom de Chicago et s'impose comme l'un des meilleurs des années 30. Les innovations du pianiste Earl "Fatha" Hines et de son arrangeur Jimmy Mundy seront reprises par tous les maîtres de l'ère swing. En 1934 il enregistre avec son orchestre des chefs-d'oeuvre : Rosetta real_logo et Copenhagen. Il est après Louis Armstrong le plus influent jazzman de sa génération.

ApolloTheater

En 1934, l'orchestre créé par le saxophoniste Charlie Barnet se produit à l'Apollo Theater. C'est le premier groupe blanc engagé dans ce haut lieu de Harlem. Charlie Barnet, dont le souci est de produire un swing maximum, intègre des musiciens noirs, tels que Roy Eldridge (tp), Oscar Pettiford (b) et Trummy Young (tb). Son indicatif Cherokee real_logo (1939) est un grand succès populaire.

Nous sommes au début des années 30, et c'est la naissance du mouvement swing, symbiose entre les grands orchestres noirs de jazz et les grands orchestres blancs de danse (comme celui de Paul Whiteman, la référence du style "jazz symphonique"). Ce swing célèbre l'optimisme recouvré des Américains après la crise économique. Comme les ballrooms, les casinos et les grands hôtels, les radios contribuent à la vogue du swing, et de nombreux concerts sont retransmis dans l'émission "Let's Dance".


La "Swing Era" ou l'âge d'or des grands orchestres

Dans les années 30, aux Etats-Unis, d'autres grands orchestres de Swing Jazz font leur apparition. Ces "big band", dont la structure est définie par Don Redman en 1931, comprennent, outre la section rythmique (piano, basse, batterie, guitare ou banjo) trois sections instrumentales : trompettes, trombones et anches (clarinettes et saxophones).

C.Calloway-Poster

Cab Calloway symbolise presque à lui seul la joie de vivre des années 30. Chanteur fantaisiste, il est aussi un authentique chef d'orchestre. Avec d'excellents musiciens tels que les trompettistes Jonah Jones et Dizzy Gillespie, le saxophoniste Ben Webster puis Chu Berry, le guitariste Danny Barker ou le batteur Cozy Cole, son ensemble est l'un des meilleurs des années swing. Grâce à son grand succès Minnie The Moocher en 1931 real_logo, il est le plus illustre des entertainers (amuseurs) américains. Il crée le look "zootsuitisme" adopté par les jeunes Américains et les zazous français. Mentionnons d'autres succès de son répertoire :Reefer Man (1932), Jumpin' Jive (1939) real_logo , St James Infirmary (1941) real_logo et Blues In The Night (1941) real_logo.

J.Lunceford-Poster

En 1934, au Cotton Club d'Harlem, succède à l'ensemble de Cab Calloway celui d'un jeune saxophoniste originaire de Buffalo, Jimmie Lunceford qui a fondé son groupe en 1927. Celui-ci avec son trompettiste et arrangeur Sy Oliver proclament la suprématie du "bounce" (rebond), tempo médium propice à la danse. Les titres Rhythm Is Our Business (1934) real_logo, For Dancers Only (1937) real_logo parlent d'eux mêmes. Four or Five Times (1934) real_logo, Jazznocracy (1934) real_logo, My Blue Heaven (1935) real_logo, Organ Grinder's Swing (1936) real_logo, Margie (1938) real_logo, Taint't What You Do (1939) real_logo , Lunceford Special (1939) real_logo, Blues in The Night (1941) real_logo, sont d'autres chefs d'oeuvres. Le swing de Lunceford s'inscrit dans la tradition de Kansas City et l'arrangement exceptionnel de Sy Oliver traite les différentes sections comme des plans sonores pour accompagner les solistes. Ceux-ci sont excellents, citons pour les sections instrumentales : les trompettistes Jonah Jones, Sy Oliver, Paul Webster, le saxophoniste alto Willie Smith qui rivalise avec Benny Carter ou Johnny Hodges, le saxophoniste ténor Joe Thomas, le tromboniste Trummy Young et pour la section rythmique : le pianiste Edwin Wilcox, le guitariste Al Norris, le contrebassiste Moses Allen, et le batteur Jimmy Crawford. L'orchestre de Jimmie Lunceford est l'un des plus brillants du middle-jazz.

Dès 1928, le style "riff" se développe à Kansas City avec les orchestres de Walter Page, de Bennie Moten (l'un des fondateurs de la musique swing) : Moten Swing 1932 real_logo . L'orchestre d'Andy Kirk and his Clouds of Joy fait un triomphe à New York (Apollo Theater, Savoy Balroom) dans les années 1930 avec la musique de Kansas City : Moten Swing 1936 real_logo , The Lady Who Swings The Band real_logo 1936.

C.Basie-Poster

En 1935, à la mort de Bennie Moten celui-ci est remplacé à la tête de sa formation par le pianiste William Basie, qui se fait appeler "Count". La formation de Count Basie comprend alors Lester Young au saxophone, Jo Jones à la batterie, Walter Page à la basse, Hot Lips Page à la trompette et le chanteur Jimmy Rushing. Le critique et producteur blanc, John Hammond, fait venir en 1936 le Basie Band dans les clubs new-yorkais : tour à tour, le Famous Door, le Savoy, le Woodside et surtout le célèbre Apollo de Harlem, en 1938, où se produit parfois une jeune vocaliste du nom de Billie Holiday. D'autres talents se joignent à l'orchestre de Basie : Buck Clayton (tp), Eddie Durham (tb), Sweets Edison (tp), Chu Berry (ts), Dicky Wells (tb), Buddy Tate (ts), Freddie Green (g) et la chanteuse Helen Humes. C'est la grande époque du swing, et l'enregistrement chez Decca d'une série de standards : Topsy (1937) real_logo, Good Morning Blues (1937) real_logo, One O'Clock Jump (1937) real_logo et Jumpin' At The Woodside (1938) real_logo (deux morceaux "jump" joués sur un tempo rapide et au rythme duquel le public est invité à danser), Sent For You Yesterday (1938) real_logo et Jive At Five (1939) real_logo. Ces musiques symbolisent la perfection du swing.

C.Webb-Poster

Dès 1930, Chick Webb extraordinaire batteur, pourtant infirme, crée une grande formation qui triomphe au Savoy de Harlem. En 1935, il engage Ella Fitzgerald qui n'a que 17 ans. Entre eux c'est l'entente parfaite. Les titres enregistrés jusqu'en 1939 (mort de Chick Webb de la tuberculose) connaissent un grand succès, citons Sing Me a Swing Song (le premier succès d'Ella en 1936) real_logo , My Last Affair (1936) real_logo, I Want To Be Happy (1937) real_logo , ou A-Tisket, A-Tasket (1938) real_logo. Ella Fitzgerald qui débute comme "canari" dans l'orchestre de Chick Webb, devient la grande dame du jazz vocal.



BattleOfSwing-Poster

Les batailles d'orchestres font fureur dans le monde du jazz, notamment au Savoy Ballroom où se produit Chick Webb, un des grands batteurs que plus d’un considèrent à l’origine du swing. Mais trois formations semblent dominer toutes les autres : ce sont celles de Count Basie, Jimmie Lunceford et Duke Ellington. Lorsque Lunceford disparaît en 1947 (à l'âge de 45 ans !), les ensembles de Count Basie et Duke Ellington se retrouvent sans rival d'envergure.
Les big bands des années trente révèlent les grands solistes dont la technique se fait virtuose pour répondre à l'éxécution des nouveaux arrangements.

Louis-Armstrong-1935-Poster

Premier grand soliste de l'histoire du jazz, Louis Armstrong est néanmoins un musicien du "vieux style" : son génie consiste à donner à chaque note une attaque, une durée, un timbre, une couleur, une puissance émotive. C'est avec Henri "Red" Allen, originaire de la Nouvelle-Orléans et disciple de Louis Armstrong, que le jazz passe d'une logique de la note à une logique de la phrase : chaque note étant liée à l'autre.
En 1947, Armstrong crée son "All Stars" sextuor qui mêle le style New Orleans et les riffs typiques des big bands. En 1948 Earl Hines le rejoint, quelques mois après avoir dû dissoudre son grand orchestre.
Avantagés par la ségrégation, les musiciens blancs profitent avant les Noirs de l'engouement du public pour le swing.



B.Goodman-Poster

Le style blanc de Chicago, avec Benny Goodman, apporte une autre contribution au jazz. Benny Goodman organise, en 1933, son premier grand orchestre blanc, en prenant comme modèles les orchestres noirs de Fletcher Henderson et de Benny Carter avec son style de "jeu par sections". Il s'entoure des meilleurs instrumentistes de l'époque : Ziggy Elman et Harry James (trompette), Jess Stacy (piano) et Gene Krupa (batterie). Et au mépris des préjugés raciaux engage rapidement des musiciens noirs : Teddy Wilson (piano), Lionel Hampton (vibraphone), Cootie Williams (trompette), Charlie Christian (guitare). Fletcher Henderson écrit les plus beaux arrangements de Goodman : Blue Skies (1935) real_logo, Some Times I'm Happy (1935) real_logo, I Can't Give You Anything But Love (1937) real_logo.

En petites formations ou avec son big band, Benny Goodman s'impose comme le chef de file d'un swing généreux axé sur la danse (le suzie-Q, le fox-trot, le jitterbug, le trucking...). Goody Goody 1936 real_logo, Peckin' 1937 real_logo , Don't Be That Way 1938 real_logo, Rose Room 1939 real_logo , Blue Lou 1940 real_logo, I Found a New Baby 1941 real_logo, Why Don't You Do Right ? 1942 real_logo . Benny Goodman est consacré par la presse américaine "le roi du Swing" après le concert historique de son orchestre au Carnegie Hall de New York le 16 janvier 1938. Ce temple de la musique classique est occupé pour la première fois par un orchestre de jazz, et ce soir là le batteur Gene Krupa, le trompettiste Harry James, le saxophoniste Babe Russin, le pianiste Jess Stacy, et bien sûr le clarinettiste Benny Goodman déploient leurs techniques sur un spectaculaire arrangement de Jimmy Mundi du thème musical Sing Sing Sing écrit par Louis Prima, d'une durée de 12mn24. real_logo Voyez la superbe video de Sing Sing Sing de 1937 (QuickTime 7 required) : drummerworld.com



Benny Goodman a de nombreux émules : Woody Herman, le clarinettiste Artie Shaw (qui se rend célèbre à 28 ans, pour sa version de Begin the Beguine de Cole Porter en 1938 real_logo), Harry James, Tommy Dorsey, Glenn Miller et Bob Crosby. Même des musiciens issus de l'orchestre de Benny Goodman décident de faire carrière comme chef d'orchestre.

Gene Krupa, avec l'un des plus grands trompettistes de jazz de l'époque Roy Eldridge et la chanteuse Anita O'Day, douée d'une technique exemplaire, est au faîte de la vague swing dans les années 41-43. Le duo R.Eldridge - A.O'Day dans Let Me Off Uptown en 1941 est une grande réussite real_logo .

Le trompettiste Harry James fonde aussi son orchestre sur le modèle de l'orchestre de Count Basie et avec des musiciens venant de ce même orchestre. L'orchestre de H.James participe au tournage d'un film musical hollywoodien.

Dorsey-Sinatra-Poster

Jimmy et Tommy Dorsey ont joué un rôle important dans le succès populaire rencontré par le swing durant les années 30 et 40. En 1928 les deux frères forment le Dorsey Brothers' Orchestra qui devient en 1934 l'une des formations phares de la firme Decca : Shim Sham Shimmy 1933 real_logo, Old Man Harlem 1933 real_logo, Honeysuckle Rose 1934 real_logo, Lullaby Of Broadway 1935 real_logo. Mais après une dispute, Tommy fonde son propre orchestre. Influencé par le style Nouvelle-Orléans son jeu est fougueux et précis. Avec son arrangeur Sy Oliver, il crée avec finesse et subtilité un swing d'une appréciable authenticité. Les vedettes ne manquent pas : le trompettiste Bunny Berigan, le saxophoniste Bud Freeman, le clarinettiste Buddy De Franco, le batteur Buddy Rich et le chanteur hors du commun Frank Sinatra.



G.Miller-Poster

Glenn Miller débute en 1923 au trombone, vers 1930 il écrit des arrangements, notamment pour Tommy Dorsey. Il fonde un premier ensemble en 1937, puis un orchestre de danse en 1939 qui devient vite poulaire. C'est en créant, en 1942, l'orchestre de l'"Army Air Force" que Glenn Miller accède à une renommée internationale. Ses deux plus grands succès sont In the Mood real_logo (dans un arrangement supérieur à celui de l'orchestre noir d'Edgar Hayes de février 1938 real_logo ) et Moonlight Serenade real_logoen 1939. La machine à swing de Glenn Miller enregistre In the Mood le 1er août 1939, soit un mois avant le déclenchement des hostilités en Europe.

Si le swing et la "swingite" se propagent en France dans la seconde moitié des années 30, la période swing ne commence véritablement pour le grand public qu'après la Libération et se prolonge jusqu'au début des années 50.

Django-Stephane_Londres1939

Le 22 janvier 1922 est inauguré près du rond-point des Champs-élysées, le club de jazz "Le BOEUF sur le TOIT", qui devient le premier temple du jazz à Paris. C'est dans ce club que le guitariste Django Reinhardt débute, avant de jouer dans l'orchestre de Louis Vola au Claridge en 1934, où joue également le violoniste Stéphane Grappelli. En 1935, Stéphane et Django créent le Quintette du Hot Club de France, premier orchestre de jazz qui ne recourt ni aux cuivres, ni aux anches, ni à la batterie. Le jazz est alors objet de culte pour des puristes du Hot Club de France.
A Paris en 1937, Charles Delaunay fonde la marque Swing, premier label discographique uniquement consacré au jazz. Le 26 décembre 1940, la Salle Gaveau est comble pour un "Festival Swing".


Références bibliographiques :

L'épopée du jazz - 1/ du blues au bop - Franck Bergerot et Arnaud Merlin - 114/DÉCOUVERTES GALLIMARD

MIDDLE JAZZ - ENCYCLOPÉDIE JAZZ HOT / L'INSTANT - Félix W. Sportis

Guide du JAZZ - Jean Wagner - 5e édition SYROS

Les grands CRÉATEURS DE JAZZ - Gérald Arnaud, Jacques Chesnel - Collection Les Compacts BORDAS

JAZZ & BLUES COLLECTION - Éditions ATLAS


Crédits photographiques :

Les posters proviennent du site : allposters.com

E.T.

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© Daniel Louis
1ère mise en ligne : 21 septembre 2007
dernière mise à jour : 6 mars 2012